« Sept ans après sa révolution, qui fut d’ailleurs davantage une
rébellion sociale contre le régime délétère de Ben Ali, la Tunisie est
confrontée un ensemble de défis. Sur le plan économique, l’inflation et le
chômage, surtout des jeunes, sapent la crédibilité du gouvernement de
coalition. Sur le plan financier, le déficit extérieur considérable (plus de $3
milliards, soit près de 9% du PIB) conjugué aux remboursements de la dette
génèrent des besoins de financement de $10 milliards pour l’année 2018, alors
même que le niveau des réserves de la banque centrale a chuté à un niveau
préoccupant.
La dette représente aujourd’hui les trois-quarts du PIB. Au niveau
politique international, malgré l’appui confirmé de l’Union Européenne et du
Président Macron, les dividendes de la démocratie tendent à se réduire et
l’impatience gagne les bailleurs de fonds de voir enfin le gouvernement
attaquer les problèmes de fonds de la corruption et de l’évasion fiscale. C’est
dans ce contexte que le refus du Parlement européen de sortir la Tunisie de la
liste des pays « exposés au blanchiment des capitaux et au financement du
terrorisme » va rendre encore plus problématique l’accès aux marchés des
capitaux. La Tunisie doit opter radicalement entre un premier sursaut, décisif,
ou un dernier sursis car les espoirs aux lendemains du Printemps Arabe ont
généré des frustrations propices au choix radicalisation/immigration, aux
dérives mafieuses, et à la marginalisation du pays. Ben Ali et son système de
connivences n’avaient pu créer d’identité nationale, mais la révolution n’a pas
encore réussi à créer de citoyenneté nationale. Et le temps presse ».
Michel-Henry Bouchet
Professeur distingué de Finance à SKEMA et Conseil en stratégie de North Sea GEM